Depuis très longtemps j’ai ce désir d’aider les autres. Au-delà de les aider c’était surtout leur montrer qu’ils n’étaient pas seuls, qu’ils pouvaient compter sur une présence, en l’occurrence ma présence, pas pour me montrer indispensable, non, mais parce que très tôt j’ai fait l’expérience de la solitude – et l’on sait bien que l’on peut se sentir seul même si on ne l’est pas physiquement. J’ai fait l’expérience de la solitude du silence.
Ce silence qu’on s’impose parce qu’on ne peut pas dire, soit que c’est interdit, soit qu’on sent que si on parle on va faire du mal à l’autre, et ce n’est certainement pas ce qu’on veut. Non, on veut juste parler, se dire, juste sortir de soi ce qu’il y a à sortir parce que l’on sent confusément que si ce qu’il y a à sortir reste à l’intérieur ça fait plus de mal que de bien. On s’emprisonne, on s’empoisonne. Parfois même sans s’en rendre compte.
J’ai fait cette expérience très jeune.
Je sais que tout ce que je n’ai pas pu dire, exprimer, pour protéger les autres, croyant me protéger moi aussi, tout cela m’a empoisonnée et oui, emprisonnée aussi à l’intérieur de moi.
Combien de fois est-ce que j’ai eu l’impression que j’allais pourrir mourir de chagrin ?
Combien de fois me suis-je retenue en croyant que si je disais, c’est l’autre qui allait mourir de chagrin ?
Croyances que j’ai à mon insu élaborées toute petite, du fait de mon histoire personnelle et des transmissions familiales.
Il devait cependant rester au fond de moi « un petit quelque chose », comme une évidence cachée, que la clé résidait dans la parole.
Ma maman m’a raconté que j’ai appris à parler assez tôt, assez vite, parce qu’elle s’absentait parfois plusieurs jours (semaines ?) et que je voulais absolument lui parler au téléphone.
La parole comme lien. Le seul, dans ces périodes là, dans mon très jeune âge qui ne me permettait pas encore de comprendre le pourquoi de l’absence, le seul lien donc que je pouvais garder avec la femme qui m’a donné la vie, et qui pour moi donc était la vie.
La parole pour la vie, pour rester en vie.
Mais à la mort de mon père, survenue quand j’avais 5 ans, les mots sont restés coincés.
Cependant mon âme a dû conserver l’empreinte de ce lien entre la parole et la vie.
Car si les mots ne sortent pas, les pensées, elles, ne s’arrêtent jamais et les mots continuent de tourner à
l’intérieur de nous, inscrivant, au fur et à mesure de leur entassement, des maux.
Insidieusement, les mots que je n’avais pas dit ont fait leur œuvre à l’intérieur de moi.
On peut se détruire soi-même avec des mots qu’on n’a pas dit.
Tout cela je l’ai compris à 30 ans, sur le divan d’une psychanalyste.
Là où mes errances, mes doutes, mes peurs, ma culpabilité, ma honte, mon désespoir m’avaient amenée, à bout de souffle, et dans l’espoir de protéger mes enfants de mes émotions à fleur de peau.
Mais avant d’arriver sur ce divan j’ai bien sûr continué d’accumuler ces mots qui tournaient en boucle, parfois à mon insu, en générant d’autres au fil de mes expériences, pas toujours salutaires, dans ma quête désespérée de trouver des preuves d’amour.
Expériences me ramenant systématiquement à ma croyance profonde : non, je n’étais pas aimable, non je ne méritais pas l’amour. Et quoi que je fasse pour essayer de racheter « ma faute », cela ne changeait rien.
Comment cela aurait-il pu en être autrement ?
Comment laisser un autre (d’autres) nous aimer quand on ne s’aime pas soi-même ?
Quand on ne s’aime pas soi-même on est à la recherche du moindre signe qui pourrait nous faire croire qu’on est aimable.
Ce qui signifie qu’on peut être prêt à faire n’importe quoi, même in fine à se mettre en danger, pour que l’autre nous aime.
Ce qui signifie aussi qu’on est énormément dans l’attente de preuves d’amour/ d’affection.
Ce qui signifie donc que nous ne sommes pas dans l’amour du tout. Seulement dans la recherche de preuves que nous sommes aimables.
Et pourquoi pas après tout ? C’est sympa de se sentir aimé, de sentir qu’on est aimable. C’est même parfois indispensable.
Mais..
Mais quand on ne s’aime pas, on cherche ces preuves, et en même temps on est incapable de les voir quand elles sont là. Parce que ça ne colle pas avec notre croyance profonde, qui est « je ne suis pas aimable, je ne mérite pas l’amour... »
Quand on pense que l’on n’est pas assez bien, on peut aussi faire des choix qui ne nous correspondent pas
Je me suis mariée à 23 ans. Enfin une nouvelle vie de bonheur commençait !
Sauf que…
mes croyances profondes (je ne suis pas aimable, je ne mérite pas d’être aimée, tout est de ma faute) qui s’étaient étoffées au fil des années et des expériences avec des croyances dérivées du style « je suis moche, je suis grosse, je ne suis pas intelligente, je suis une incapable... », mes croyances profondes donc étaient toujours présentes.
Et même si pendant un temps elles se sont faites plus silencieuses, elles n’ont pas tardé à me rattraper.
Alors, si finalement je n’étais pas heureuse dans mon mariage, c’était forcément de ma faute. Pas assez ceci ou trop cela, pas bonne, pas méritante…
C’est ainsi que j’ai passé un certain nombre d’années à battre ma coulpe, à essayer de changer pour rentrer dans le désir de l’autre et tenter de trouver un semblant de bonheur.
Jusqu’au jour où, mon désespoir grandissant et les idées noires refaisant leur apparition j’ai choisi de pousser la porte de ce cabinet de psychanalyse dans le centre de bordeaux.
Une psychanalyse qui a duré 10 ans. Suivie ensuite par d’autres thérapies…
Avec le soutien et la présence bienveillante de cette psychanalyste – envers qui je serai toujours reconnaissante, si je suis en vie aujourd’hui c’est grâce à elle aussi -, j’ai retraversé une partie de mes blessures et j’ai enfin pu dire les mots qui restaient coincés à l’intérieur de moi. Cela ne s’est pas fait en un jour. Il m’a fallu du temps avant de pouvoir exprimer. J’étais persuadée qu’une fois qu’elle aurait compris à quel point j’étais immonde à l’intérieur, elle allait me mettre à la porte !
Mais cela ne s’est pas passé comme ça. Non seulement elle ne m’a pas jetée, mais en plus elle m’a regardé avec un regard bienveillant, elle a été une présence bienveillante, semaines après semaines, années après années.
Attention, bienveillance ne veut pas dire complaisance. A chaque fois que j’en ai eu besoin, elle a su aussi me « remonter les bretelles ».
Et finalement j’ai compris, petit à petit, que non je n’étais pas si immonde.
Mieux, même, que j’avais de la valeur !
Quelle révolution dans mon esprit ! Et dans mon corps aussi !
C’était la première découverte d’une nouvelle vie qu’il me restait à inventer.
Je suis convaincue aujourd’hui que sans cette écoute bienveillante qui m’a permis d’abord de mettre des mots sur mes maux (il n’y a pas que ça qui se joue dans un psychothérapie bien sûr, mais c’est le début), je ne serai plus de ce monde.
Le fait d’être écoutée et accueillie comme j’étais, m’a permis de m’écouter moi-même et de m’accueillir.
Mais dire n’est qu’une première étape. Si cela m’a permis de reconnaître ma souffrance, de réaliser qu’elle n’était pas honteuse et moi non plus, d’aller visiter mes zones d’ombre, il m’a fallu aller plus loin encore pour m’autoriser à voir mes zones de lumière.
Les mots étaient dits, entendus, je me connaissais mieux, mais comment faire ensuite pour construire la vie que je voulais avoir ?
J’étais devenue consciente de mes blessures, je savais maintenant comment mes croyances erronées s’étaient forgées, ou du moins la plupart, mais je ne savais pas encore quoi faire de tout ça.
Après plusieurs années, un divorce très difficile, une autre séparation, des enfants en souffrance, une maman malade, le mal-être est revenu, avec sa horde de négativité, d’auto jugement, de désespoir. J’étais à nouveau perdue, je me sentais à nouveau seule...
Avec la psychothérapie analytique j’ai pu sortir ce qui m’encombrait, j’ai compris mon histoire, comment j’en étais arrivée là.
J’ai commencé à m’accepter comme j’étais mais je ne m’aimais pas encore suffisamment, je n’avais pas encore assez confiance en moi et en la vie.
Certains vieux schémas étaient toujours là, et je savais qu’il fallait que j’aille encore plus loin, autrement.
C’est ainsi que je me suis tournée vers le développement personnel, la gestion des pensées, l’énergétique, l’hypnose, la maïeusthésie, la régulation du système nerveux.
J’ai visité à nouveau mon histoire, avec ses blessures. Accompagnée par des professionnels, je suis allé voir cette petite fille en moi qui était toujours blessée et qui avait toujours désespérément besoin d’amour. De mon amour. De ma tendresse.
Je l’ai portée, bercée, soutenue, encouragée. J’ai été présente pour elle quand elle en avait besoin. J’ai appris à l’aimer, à me réconcilier avec elle.
Cette petite fille, elle est toujours là, présente en moi, elle fait partie de moi. Et par moment encore, elle a froid, elle a peur. Mais elle n’est plus seule puisque je suis là pour elle.
Il n’y a pas que les blessures d’enfance.
Il y en a tout au long de la vie.
Séparations, deuils, humiliations, agressions, traumatismes...Et ces blessures aussi peuvent laisser une trace profonde. Celles-là aussi il faut aller les visiter.
J’ai également appris à réguler mon système nerveux pour modifier mes schémas de pensées, et m'aider à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Au début, cela n’a rien de facile, mais la persévérance porte ses fruits et la vie est tellement plus belle !
La vie ne peut être vraiment belle que quand on est bien avec soi.
Ce dont le monde a le plus besoin à mon avis, c’est d’amour.
Et pour aimer les autres il faut déjà s’aimer soi-même. Pour s'aimer, il est nécessaire d'apprendre à s'accueillir et à se connaître.
Tous ces outils m’ont aidée à me découvrir, à me rencontrer, à m’aimer.
C’est pourquoi je vous les propose à mon tour